Ce qui frappe le plus dans les résultats de l’enquête de 2017 sur les Québécois et l’alcool, c’est, d’une part, une réduction de la consommation des buveurs à la suite d’une plus grande sensibilisation aux questions de santé alliée à une stabilité de certaines réponses depuis 15 ans et, d’autre part, de plus maigres progrès en matière de consommation excessive des buveurs qui dépassaient déjà les limites recommandées.

La consolidation des attitudes et des opinons est telle que nous observons souvent des résultats semblables à ceux de 2002 à 2012, ou encore qui se situent à l’intérieur de la marge d’erreur, notamment sur le plan de l’acceptabilité sociale de l’alcool, des circonstances de consommation et même des opinions et des attitudes de nos concitoyens face à l’alcool. Les croyances évoluent lentement.

Il y a toujours plus de 8 Québécois sur 10 qui consomment de l’alcool et le vin consolide sa position de boisson la plus fréquemment consommée, et ce, par le plus grand nombre : les trois quarts des Québécois l’apprécient. La bière baisse légèrement, quoique prisée par 6 Québécois sur 10 alors que l’on observe une stabilité des spiritueux que consomme près de 1 Québécois sur 2, tandis que le tiers des Québécois consomment également d’autres boissons (cidres, prémélangés et autres).

Par ailleurs, ce qui est le plus rassurant dans les données que révèle cette enquête, c’est que les Québécois sont majoritairement plus sensibles aux impacts de la consommation d’alcool sur la santé, que la plupart ont fort bien intégré la consommation d’alcool dans leur quotidien, qu’un certain modèle de consommation d’alcool fait désormais sereinement partie de leur mode de vie et qu’ils sont de plus en plus sensibilisés aux divers aspects de leur consommation.

Mais les améliorations sont bien moindres chez les buveurs excessifs, puisque le quart des Québécois dépassent les limites de consommation à faible risque au moins une fois par mois. On ne peut éviter d’y voir le reflet de la banalisation de l’alcool dans la société, de la valorisation de l’abus d’alcool et de l’incompréhensible et inexcusable laxisme de l’État qui, loin de collaborer, contribue par ses décisions comme par ses non-décisions à aggraver la situation de la consommation excessive.

De fait, il a fait la sourde oreille à toutes les mesures réclamées par Éduc’alcool qui auraient un impact réel sur la consommation excessive : il refuse de rendre obligatoire le programme de formation Action Service pour tous les propriétaires et serveurs des établissements licenciés, il refuse d’établir un prix minimum pour les produits artisanaux en vente dans les épiceries, il a soustrait les bières non vendues en épicerie au prix minimum de la bière, il a les bras croisés devant le contournement permanent du prix minimum de la bière par les promotions croisées, il contribue à la banalisation de l’alcool en faisant appel à de soi-disant experts qui n’ont que la déréglementation et le langage de l’argent à la bouche, il accentue la pression à la baisse sur les prix de l’alcool et l’on pourrait allonger la liste à l’infini.

Par ailleurs, les Québécois sont fort intéressés à en apprendre davantage sur l’alcool, notamment sur les questions d’alcool et de santé et, surtout, ils nous confortent dans nos affirmations relativement à la lutte à la conduite avec les facultés affaiblies alors que l’on observe une nette baisse du nombre de Québécois qui ont vu un barrage routier. Encore une fois, dès lors qu’une mesure relève de l’État, on constate que la situation se détériore. C’est édifiant.

La modération, une valeur intégrée

Naturellement, Éduc’alcool, ne peut que se réjouir de constater que son slogan, La modération a bien meilleur goût, trône encore au zénith de la notoriété alors que 9 Québécois sur 10 le connaissent. Mais c’est davantage son intégration dans la pratique et dans la vraie vie de la majorité qui constitue la bonne nouvelle de cette enquête.

De fait, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que la consommation moyenne des Québécois ait baissé à moins de 3 verres standard par semaine alors que l’on était à 3,3 verres il y a 5 ans et que l’on consomme en moyenne 2,2 verres par occasion de consommation plutôt que 2,5 verres. Et, ce n’est certainement pas une coïncidence, elle correspond aussi au nombre de verres d’alcool à partir desquels les Québécois estiment qu’il devient criminel de conduire un véhicule automobile. C’est d’une cohérence certaine.

Nous pouvons aussi nous réjouir de constater que, pour la très grande majorité des Québécois, la consommation d’alcool se fait dans des lieux et dans des cadres de consommation modérée : à la maison, chez des amis ou au restaurant. Quant aux circonstances de consommation, elles sont aussi rassurantes : célébration d’un événement heureux, accompagnement lors des repas, association à la détente – une consommation conviviale plutôt que dépendante.

Les plus récentes données relatives à la vente d’alcool au Québec font état d’une stabilité des achats moyens par habitant à 8,5 litres d’alcool pur par an. Mais cela n’empêche pas le fait que 1 consommateur d’alcool sur 10 a senti que sa consommation nuisait à sa santé physique. C’est pratiquement le double d’il y a 5 ans. Est-ce le reflet d’une plus grande prise de conscience à la suite des efforts de sensibilisation menés par Éduc’alcool ou celui de la réalité? Sans aucun doute des deux.

Une vigilance nécessaire, des problèmes réels

Tout cela ne doit pas nous faire perdre de vue le fait que la vigilance s’impose et qu’elle est plus que jamais nécessaire. Nous ne pouvons pas en effet être indifférents au fait que 11 % des buveurs réguliers ont senti que leur consommation nuisait à leur santé. Pas plus que nous ne pouvons ignorer les 6 à 7 % de consommateurs qui disent boire des quantités excessives d’alcool sur une base hebdomadaire et le quart sur une base au moins mensuelle.

Il importe plus que jamais de faire valoir que la modération est une règle qui ne souffre pas d’exception et que prendre un coup, ne serait-ce qu’une fois, c’est prendre un coup de trop.

On ne peut pas non plus être indifférent au fait que près de 7 % des conducteurs québécois admettent avoir conduit un véhicule avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale.

Par ailleurs, nous pouvons certes nous réjouir du fait que la quasi-totalité des Québécois connaît les recommandations d’Éduc’alcool aux femmes enceintes : s’abstenir de consommer de l’alcool à partir du moment où l’on choisit de devenir enceinte et durant la grossesse. Cependant – c’est sans doute parce que les preuves scientifiques irréfutables n’existent pas à ce sujet – 1 Québécois sur 2 pense que la consommation occasionnelle d’alcool comporte un faible risque ou pas de risque du tout pour le fœtus. Il n’est donc pas étonnant que près de 1 Québécois sur 4 considère acceptable qu’une femme enceinte consomme occasionnellement de l’alcool durant sa grossesse.

Des projets qui s’imposent

L’enquête de 2017 fait aussi ressortir une relation parfois contradictoire des Québécois avec l’alcool et certains préjugés sans doute hérités des croyances du passé.

Ainsi, on observe une certaine tolérance vis-à-vis de la consommation excessive lorsqu’elle est occasionnelle et l’on reconnaît volontiers que l’on a dépassé les seuils de consommation recommandés de temps à autre, souvent au moins une fois par mois.

Par contre, la méfiance est forte vis-à-vis de la consommation régulière, même si elle se situe à l’intérieur des limites de consommation d’alcool à faible risque. De fait, une femme qui boirait 2 verres par jour, 5 jours par semaine et un homme qui en boirait 3 sur 5 jours sont considérés comme des alcooliques en puissance par 6 Québécois sur 10. Et même lorsque leur consommation est ramenée à 1 verre par jour 5 jours par semaine, près de 4 de nos concitoyens sur 10 évoquent l’alcoolisme.

Il y a là un défi considérable pour Éduc’alcool pour rééquilibrer chez les Québécois le rapport quantité-fréquence dans la consommation d’alcool. Il nous faudra dédramatiser la consommation régulière – pourvu qu’elle se situe dans les paramètres à faible risque – et mettre en garde contre la consommation excessive, même occasionnelle. Nous sommes conscients que nous devrons affronter des opinions et des perceptions solidement enracinées, mais c’est là le lot de tout organisme d’éducation. Une autre grande leçon de ce sondage est qu’il ne faut pas baisser la garde ni abandonner le terrain de la sensibilisation.

Enfin, les Québécois nous ont dit clairement sur quels sujets nous devrions les renseigner davantage : comment parler d’alcool avec les enfants, l’alcool et la santé et enfin la quantité d’alcool qu’ils peuvent consommer avant de prendre le volant. Ces trois thèmes, bien qu’en très légère baisse, demeurent en tête de leurs préoccupations.

Les Québécois nous ont aussi fait part de leurs besoins concrets. Nous répondrons donc à ces besoins en leur donnant des informations pratiques et en leur faisant valoir les bienfaits que l’on retire de la modération dans la consommation d’alcool. En un mot, les Québécois nous demandent de continuer à les informer et à les responsabiliser concernant leur consommation d’alcool.

L’alcool au volant : une vision confortée

Cette année, notre enquête a une fois de plus approfondi la question de l’alcool au volant. Et ses résultats démontrent clairement qu’Éduc’alcool avait visé juste en recommandant des mesures fondées sur des recherches menées ici et ailleurs et qu’il préconisait de manière constante.

Éduc’alcool a pris une position claire sur la conduite avec les facultés affaiblies. Notre organisme a soutenu, sur la base de données scientifiques reconnues, que le premier déterminant des changements de comportements sur les routes est la perception que l’on va se faire arrêter si l’on viole les lois. Il a donc revendiqué haut et fort comme préalable à toute discussion sur le taux d’alcoolémie, l’accroissement de barrages policiers et leur publicisation.

Et les Québécois lui ont donné raison. Si 6 % des conducteurs ont pris le volant alors qu’ils avaient dépassé la limite légale pour conduire, c’est en bonne partie parce qu’un peu plus des trois quarts des conducteurs n’ont pas passé une seule fois par un barrage policier au cours de la dernière année et, pire encore, que plus de 7 sur 10 n’en ont même pas aperçu un seul au cours des douze derniers mois.

Nous continuerons donc à revendiquer la mise en œuvre des mesures essentielles comme préalable à toute discussion sur le sujet de l’alcool au volant. Tout comme nous continuerons à revendiquer que le programme de formation Action Service soit obligatoire pour le personnel des établissements qui vendent de l’alcool au Québec comme il l’est dans toutes les sociétés comparables à la nôtre, mais où les gouvernements agissent de manière responsable.

Une crédibilité réjouissante et engageante

On ne nous en voudra pas de conclure sans souligner avec une certaine satisfaction et sans la moindre prétention, le taux de crédibilité d’Éduc’alcool qui a encore augmenté, passant de 91 % à un sommet de 95 %. Mais, au-delà des chiffres, cette donnée est à la fois réjouissante et engageante. Elle constitue certes une reconnaissance du travail que nous avons accompli et une responsabilité indiscutable envers ce qu’il nous reste à accomplir de façon que les Québécois améliorent encore davantage leur relation à l’alcool et qu’ils soient plus que jamais convaincus que la modération a bien meilleur goût.